lundi 17 janvier 2011

Richard Allen, un des pères de la lutte contre l'esclavage

Richard Allen

Naître esclave

Richard Allen est un des pères de la lutte contre l’esclavage. Lui-même est né esclave en 1760 à Germantown en Pennsylvanie. Ses parents d’origine africaine sont la propriété d’un homme de loi quaker, Benjamin Chew. Mais celui-ci connaissant des difficultés financières, il rêve la famille (papa+ maman Allen + leurs quatre enfant dont Richard) à un planteur du Delawarre, Stockeley Sturgis. Richard décidé à échapper à sa condition, apprit seul à lire et à écrire. Il assista à des réunions de renouveau méthodiste et se convertit, à 17 ans, au christianisme. L’Eglise méthodiste, branche dissidente de l’église anglicane, attirait de nombreux Noirs, séduits par son discours antiesclavagistes (mais sans renoncer à des pratiques ségrégationnistes). John Wesley, le fondateur de l’église méthodiste qualifiait ainsi l’esclavage : « that execrable sum of all villainies ». Richard, grâce au soutien du Reverend Freeborn Garrettson, un prédicateur méthodiste qui avait lui-même affranchi ses propres esclaves, devint libre en 1783, l’année de l’indépendance des Etats-Unis (mais il dut racheter sa liberté).


Le fondateur d'une des premières églises autonomes afro-américaines

Devenu prédicateur à sont tour en 1784, il entreprit à Philadelphie de lutter contre les pratiques ségrégatives de la Saint-Georges Méthodist Church. Celle-ci durant l’office religieux, reléguait les noirs dans une galerie construite spécialement au premier étage à l'arrière de l'église pour qu'on ne puisse pas les voir. Il organisa une manifestation contre cette pratique, fit rentrer les noirs dans la nef principale. La direction de l’Eglise lui ayant demandé de retourner dans la partie réservée aux Noirs, celui-ci emmena ses coreligionnaires noirs hors de l’église et il ne revint plus. Dès 1787, il fonde avec Absalom Jones, un autre prédicateur méthodiste la Free African Society, une organisation non-confessionnelle pour apporter une aide aux Afro-Américains, particulièrement les malades, les pauvres, les chômeurs. Durant la terrible épidémie de fièvre jaune qui frappa la ville de Philadelphie durant l’automne 1793, les membres de la FAS allaient se dévouer pour leurs concitoyens. L’épidémie fit 4000 morts, surtout issus de la population noire, les Blancs disposant de ressources ayant quitté la ville. De nombreux noirs participèrent aux secours, prenant soin des malades, nettoyant les maisons, enterrant les morts, et souvent contractèrent la maladie. Mais le racisme viscéral des Blancs de cette période ne devait pas s’atténuer, bien au contraire. Allen et Jones écrivirent en 1794 “A Narrative of the Proceedings of the Black People During the Late Awful Calamity in Philadelphia “ pour dénoncer le racisme des habitants de Philadelphie.

Genèse de l'Eglise méthodiste épiscopale africaine
La FAS devait aussi se consacrer à la fondation d’écoles pour développer l’alphabétisation des noirs. Richard Allen et Absalon Jones acquirent la même année un terrain pour fonder leur nouvelle église, mais il faudrait attendre encore un peu pour voir s’y dresser la Bethel African Methodist Episcopal Church. Mais Jones finit par rompre avec Allen quand il rejoignit l’église épiscopale aux Etats-Unis (le nouveau nom, après la guerre d’Indépendance de l’Eglise anglicane sur le territoire américain). Absalon Jones créa l’African Episcopal Church le 17 juillet 1794 dont il devint diacre avant de devenir, en 1806, le premier noir ordonné prêtre par l’Eglise épiscopalienne. . Richard Allen resta fidèle à l’Eglise méthodiste et les portes de la Bethel African Methodist Episcopal Church s’ouvrirent en 1794. C’est dans cette église que la FAS allait ouvrir, en 1795, une des premières écoles afro-américaines organisée par les Afro-Américains. La Bethel Church organisée par Allen favorisait aussi l’arrivée des esclaves s’étant enfuis du Sud par l’Underground Railway. En 1799, Richard Allen devient le premier pasteur noir de l’Eglise méthodiste et fut ordonné par le grand évêque méthodiste connu pour ses innombrables prêches, Francis Asbury, le second en renommée juste après John Wesley, le fondateur de l’Eglise épicopale méthodiste. Parce que les Noirs dans d'autres communautés méthodistes rencontraient le racisme et souhaitaient une autonomie religieuse, l’idée de créer ’une église méthodiste afro-américaine indépendante de l’église méthodiste des Blancs faisait son chemin. En 1816, la réunion de cinq églises méthodistes afro-américaines autonomes (Philadelphie, Salem, New-Jersey, Delaware et Maryland) déboucha sur la création de The African Methodist Episcopal Church dont Richard Allen devint le premier évêque. L’Église méthodiste épiscopale africaine est aujourd’hui, avec 7000 congrégations et 3 millions de membres, une des plus anciennes et des plus importantes institutions afro-américaines des Etats-Unis.

Emigrer ou rester ?

Après 1816, écœuré par la persistance de l’esclavage, doutant de l’avenir des noirs aux Etats-Unis, Richard Allen s’intéressa aux projets d’émigration des Afro-Américains en Afrique de l'Ouest, en Haïti et dans le Canada anglais. Mais il se heurta à une forte opposition au sein de la communauté noire de Philadelphie et jusqu’au bout, il combattit pour l’égalité des droits de tous les Américains, tel que Jefferson l’avait rédigé dans la Déclaration d’Indépendance de 1776 (ce qui n’empêcha pas Jefferson d’être propriétaire d’esclaves jusqu’à sa mort. A Monticello, le musée Jefferson rappelle d’ailleurs que ses esclaves furent vendus à la mort de Jefferson pour payer les dettes de l’ex-président…).

En 1830, Richard Allen présida dans la Bethel African Methodist Episcopal Church la première Black Convention en présence de tous les leaders de la communauté noire. On y parla notamment des émeutes raciales de Cincinnati où les Afro-Américains furent violemment agressés, ce qui entraîna le départ de 1200 d’entre eux vers le Canada.
Richard Allen meurt en 1831, l’année de la révolte de Nat Turner, et de la publication par William Lloyd Garrisson, des premiers numéros de The Liberator.